Par Nadya Hutagalung
Ambassadrice pour le Great Apes Survival Partnership (GRASP) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) / Animatrice de télévision
Comprendre les répercussions du comportement humain sur l’environnement et les innombrables espèces dont la sauvegarde est gravement menacée revêt une importance critique pour penser des manières intelligentes et adaptées de vivre sur notre planète sans outrepasser ses limites, en respectant la diversité des formes et des conditions de vie qu’elle abrite. La série La Planète des grands singes rassemble les données et les connaissances relatives aux conséquences de l’anthropisation sur les grands singes et leur habitat, et dégage des solutions possibles pour prévenir ou atténuer ses effets néfastes. Elle se veut un outil majeur pour définir les moyens dont nous disposons pour surmonter les nombreux défis auxquels doivent faire face toutes les espèces sur cette planète, nous compris. Dans toute leur aire de répartition, les effectifs de grands singes diminuent en raison de la disparition et de la dégradation de leur habitat, de la chasse et des maladies, et toutes les espèces sont menacées d’extinction. Pour trouver des solutions garantissant leur protection, il est indispensable de comprendre l’ampleur et les effets de la destruction, de la capture et du trafic sur les différentes espèces de grands singes d’Afrique et d’Asie, ainsi que l’incidence de ces phénomènes sur la conservation des espèces comme sur le bien-être des individus eux-mêmes.
Ce quatrième volume de La Planète des grands singes traite de l’un des périls les plus immédiats qui guettent les grands singes : la chasse. Cette activité constitue une menace dans presque toutes les régions où vivent des grands singes non humains et entraîne leur mort, souvent dans le but d’utiliser les parties de leur corps à des fins notamment alimentaires et thérapeutiques, ou implique leur capture et leur vente comme animaux de compagnie ou comme attraction pour l’industrie du spectacle ou pour être exhibés par des collectionneurs. Dans tous les pays où ils vivent, les grands singes sont protégés par la loi. Leur destruction, leur capture et leur trafic sont donc prohibés. Malgré cela, dans tous les pays où ils sont présents naturellement, les grands singes sont chassés pour des raisons souvent complexes qui peuvent varier d’un pays à l’autre. Si la chasse répond parfois à une motivation culturelle, sa cause est souvent économique : il s’agit de gagner de l’argent, de se nourrir ou d’éliminer un animal considéré comme nuisible lorsqu’il détruit les cultures.
Les grands singes figurent parmi les groupes d’espèces les plus charismatiques des forêts tropicales d’Afrique et d’Asie. Ce sont des êtres intelligents, sensibles, sociaux et qui ressentent des émotions. Ils nous fascinent bien souvent en raison de notre évolution commune et de leur grande similitude génétique avec les humains. Cette attirance explique en partie les menaces qui pèsent sur eux aujourd’hui. Les grands singes hominidés et les gibbons sont capturés et alimentent le trafic d’animaux vivants pour fournir l’industrie du spectacle qui capitalise sur l’apparence « presque humaine » des grands singes non humains. Ce facteur explique l’engouement qu’ils suscitent dans certains pays où ils sont prisés comme animaux de compagnie ou parmi les collectionneurs.
De plus, la chasse entraîne de graves conséquences pour les individus concernés, qui connaissent des situations traumatisantes engendrant peur, douleur, confusion mentale, et solitude lorsqu’ils sont séparés de leurs congénères. La plupart des grands singes sont des animaux sociaux qui passent des années en compagnie de leur mère et du groupe au sein duquel ils sont nés, apprenant les règles de la survie et des rapports sociaux. Leur maintien en captivité dans des conditions stressantes sans rapport avec leur environnement naturel engendre un traumatisme qui peut durer toute la vie. La chasse et la mise à mort ou la capture des grands singes, ainsi que leur trafic, nuisent considérablement à la conservation de ces espèces fortement menacées, qui subsistent souvent en populations fragmentées dans des îlots forestiers déjà très dégradés par l’agriculture industrielle, les industries extractives et les projets d’infrastructures. Dans ces conditions, le prélèvement de quelques individus seulement peut sérieusement compromettre l’avenir des espèces concernées. Dans les faits, nos actes détermineront leur survie.